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Orlando Furioso - Arioste
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~  Le Roland furieux de l’Arioste : littérature, illustration, peinture
(XVIe-XIXe siècles)  ~
Stéphane Lojkine



Introduction à l’Arioste


1. Biographie

    Lodovico Ariosto naît le 8 septembre 1474 dans le nord de l’Italie à Reggio nell’Emilia, petite ville du duché de Modène en Émilie. Le duché appartenait à la famille d’Este, dont la cour se trouvait à Ferrare. Niccolò Ariosto, dont Lodovico fut le fils aîné, commandait la forteresse de Reggio pour les Este. La famille part bientôt pour Ferrare, où Lodovico reçoit d’abord les leçons d’un précepteur particulier, puis suit des études de droit à l’université de Ferrare. En 1494, il abandonne sans regret le droit pour les lettres et suit l’enseignement du latiniste Gregorio da Spoleto, un moine augustinien. Il fréquente alors le cardinal Jean de Médicis, le futur pape Léon X, dont Gregorio da Spoleto avait été l’un des précepteurs.

Hippolyte d’Este
    À la mort de son père, Lodovico doit subvenir aux besoins de sa nombreuse famille. Il entre en 1498 au service d’Hercule Ier d’Este et, de 1501 à 1502, part commander la forteresse de Canossa. En 1503, il quitte Hercule pour son fils cadet le cardinal Hippolyte d’Este et reçoit la même année les ordres mineurs, qui lui permettent d’obtenir un petit bénéfice ecclésiastique. Hippolyte charge Lodovico de diverses missions diplomatiques au Vatican : en 1509-1510 auprès du pape Jules II, en 1513 pour féliciter Léon X de son élection. La même année, lors d’un séjour à Florence, il déclare sa flamme à Alessandra Benucci Strozzi, dont il s’était épris à Ferrare. Malgré une vie sentimentale tumultueuse, semée de femmes et d’enfants, Lodovico restera lié à Alessandra toute sa vie. En 1515, le mari d’Alessandra meurt ; elle déménage à Ferrare, mais le poète ne l’épousera qu’en 1527. En 1517, Hippolyte part pour son diocèse d’Eger en Hongrie, mais Lodovico refuse de le suivre et, en 1518, il passe au service du frère du cardinal, Alphonse Ier d’Este, le nouveau duc depuis la mort de son père Hercule en 1505.

La Garfagnana
    En 1519, Rinaldo Ariosto, le cousin de Lodovico, meurt intestat : le cardinal et le duc tentent de récupérer une partie de ses propriétés ; Lodovico intente un procès qui ne lui donnera raison qu’en 1536, trois ans après sa mort ! En 1522, Alphonse Ier cesse de lui verser sa pension habituelle et le contraint d’accepter le poste de gouverneur de la Garfagnana, aux confins montagneux du duché, dans la vallée du Serchio. Lodovico supporte très mal cet exil et renonce en 1525 à ses fonctions. Il s’achète une petite maison à Ferrare, dans le quartier de Mirasole (aujourd’hui via Ariosto) et fait inscrire sur la façade le vers d’Horace parva sed apta mihi (elle est petite mais elle me convient) par lequel le poète latin célébrait la maison que lui avait offerte Mécène.

La nouvelle alliance avec Charles Quint
    Cependant en 1526 les Este quittent la vieille alliance qu’ils avaient toujours gardée avec la France contre Venise, pour se rapprocher de Charles Quint. Lodovico accompagne le duc pour rencontrer Charles Quint à Modène en 1528 ; la même année on le charge d’organiser les spectacles théâtraux à la cour de Ferrare. En 1529, son ambassade auprès d’Alphonse d’Avalos, marquis del Vasto lui vaut de la part du marquis une pension annuelle de cent ducas d’or. En 1532, il accompagne Alphonse d’Este auprès de Charles Quint à Mantoue. Il meurt le 6 juillet 1533.


2. L’œuvre de l’Arioste
    L’œuvre la plus célèbre et la plus importante de Lodovico Ariosto est l’Orlando furioso. Dès 1506, il entreprend une première rédaction de ce qui allait être l’œuvre de sa vie. En 1507, à Mantoue, il raconte la trame de l’histoire à Isabelle d’Este Gonzague, la fille d’Hercule Ier (et donc la sœur d’Hippolyte et d’Alphonse). La première édition date d’avril 1516. En 1521 paraît la deuxième édition du Roland furieux, en quarante chants, avec quelques corrections linguistiques et stylistiques. Il termine mais ne publie pas les Cinque Canti, commencés probablement autour de 1518-1519, et censés venir se greffer après la strophe 68 de l’actuel chant 46 (les Cinq chants ne seront publiés qu’après sa mort). Mais si la seconde édition se distingue peu de la première, la troisième édition, de 1532, après dix ans de travail intense, remodèle complètement l’œuvre, découpée désormais en 46 chants, avec des épisodes entièrement nouveaux.    
    Outre le Roland furieux, il faut citer de l’Arioste les Satires (1517-1525) et une importante production théâtrale : deux comédies en prose, la Cassaria (1508, réécrite en 1528) et les Suppositi (1509, réécrits en 1531), qui transposent les intrigues de la comédie antique dans la langue vulgaire (la langue italienne classique est en train de se constituer), puis I Studenti (1518), Il Negromante (1520), La Lena (1528) qui fondent véritablement le genre de la comédie nouvelle.


3. Les origines du Roland furieux

La Chanson de Roland
    Le Roland qui a donné son nom au poème de l’Arioste est censé être le même Roland que celui de La Chanson de Roland, cette épopée du onzième ou du douzième siècle qui racontait la défaite de Charlemagne à Roncevaux en 778, obscur épisode historique sans comparaison avec son immense fortune littéraire. Écrite au moment de la première croisade (1096-1099), La Chanson de Roland fait de Charlemagne une sorte de croisé avant la lettre, et de l’affrontement entre les Chrétiens et les Sarrasins l’enjeu majeur de son règne.
    À la même époque que La Chanson de Roland apparaît une Historia Karoli Magni et Rotholandi, chronique rédigée en latin qui raconte les mêmes épisodes. Attribuée à l’archevêque Turpin, elle sera sans cesse invoquée par les poètes ultérieurs comme le témoignage direct et digne de foi d’un contemporain de Charlemagne. L’Arioste s’y réfère à plusieurs reprises, toujours pour se moquer.

Cycle arthurien et cycle carolingien
    Au treizième siècle se constituent les grands cycles romanesques qui vont peu à peu absorber et unifier toutes les histoires de chevaliers racontées dans les chansons de gestes en vers. Pendant que se constitue un grand cycle arthurien (dit aussi cycle breton) qui intègre dans un même récit les aventures de Lancelot et de Tristan (le roman de Lancelot et le Tristan en prose), le cycle carolingien suit la même évolution : l’histoire de Roland, qui se résumait jusque-là à son dernier combat et à sa mort, connaît de nouveaux développements en Italie et fusionne avec celle d’un autre chevalier de Charlemagne cousin de Roland, Renaud de Montauban (Les quatre fils Aymon).
    La littérature franco vénitienne qui se développe entre le XIIIe et le XIVe siècle, d’abord dans la langue parlée dans la plaine du Pô, puis en toscan, lorsque ce dialecte s’impose comme la langue de l’Italie, va donner à Roland un arbre généalogique, une enfance, une jeunesse et toutes sortes d’aventures qui n’ont rien à voir avec Roncevaux. La trahison de Ganelon, qui dans La Chanson de Roland précipite la mort de Roland, devient l’aboutissement d’une longue inimitié entre deux familles, les gens de Clermont et ceux de Mayence. Dans le Roland furieux, outre Renaud et Roland, la guerrière Bradamante appartient à la valeureuse famille de Clermont, tandis que le traître par excellence, l’abominable Pinabel, est un Mayençais.
    Les deux grands cycles concurrents, l’arthurien et le carolingien, ne connaissent pas la même fortune en Italie : alors que le premier, lu dans les cours aristocratiques, constitue une littérature savante qui finira par s’étioler, le second, dont le succès est populaire, donne naissance à toute un folklore qui se répand dans toute l’Italie et perdure jusqu’au siècle dernier dans le sud de la Péninsule : les cantastorie, chanteurs d’histoires napolitains, en Sicile le Teatro dei Pupi, les théâtres de onnettes, enfin la chronique des Royaux de France d’Andrea da Barberino, colportée dans les campagnes, perpétuent et compilent les aventures du cycle carolingien.

Les premières épopées italiennes
    Nul doute que cette chevalerie pour le peuple ait d’abord suscité le mépris des intellectuels. Mais dès la seconde moitié du quinzième siècle, les deux grandes cours cultivées d’Italie, celle des Médicis à Florence et celle des Este à Ferrare, s’intéressent aux aventures d’Orlando et de Rinaldo, précisément à cause de la coloration triviale et de la bouffonnerie populaire dont sont désormais empreints les personnages et les récits promenés de foire en foire. Naît alors un nouveau genre d’épopée, où s’épanouissent la veine burlesque et la parodie des codes convenus de la littérature chevaleresque savante. À Florence, Luigi Pulci (1432-1484) écrit un Morgante, du nom du géant dont Roland aurait fait son écuyer après avoir triomphé de lui. Cette épopée en huitains est publiée en 23 chants en 1470, puis en 28 chants en 1478. À Ferrare, Matteo Maria Boiardo (1441-1494) écrit un Roland amoureux, qu’il laissera inachevé à sa mort. Le Roland furieux, s’il ne se présente pas explicitement comme la suite du Roland amoureux, en récupère bel et bien les trames et les personnages pour les mener à leur terme. Ces épopées revêtent pour la langue italienne une importance nationale : écrites d’abord dans une langue populaire dont ni le vocabulaire, ni la syntaxe ne sont fixées, puis retravaillées, parfois entièrement réécrites (c’est, au seizième siècle, la traduction de Boiardo en toscan par Francesco Berni), elles constituent et diffusent ce qui va devenir l’italien classique.
    Ce qui relie essentiellement Boiardo et l’Arioste, c’est l’idée d’un Roland amoureux, idée dont on ne trouve pas la moindre trace dans la tradition léguée par La Chanson de Roland et par la chronique de Turpin, qui faisait de Roland un chevalier chaste inaccessible au charme féminin. Le Roland de Boiardo et de l’Arioste est donc un anti-Roland, la parodie de ce qui représentait la quintessence de la chevalerie médiévale.

Le Roland amoureux de Boiardo
     Dans le Roland amoureux de Boiardo, le chevalier Argail et sa sœur Angélique sont envoyés du Cathay (de Chine) à Paris pour s’emparer des deux armes les plus précieuses du monde, l’épée Durandal de Roland et le cheval Bayard, qui appartient à Renaud. Le frère et la sœur ont un plan diabolique, qui s’accomplit d’abord fort bien : tous les chevaliers tombent amoureux d’Angélique dès qu’elle paraît (I, 1 ; voir ci-dessous dans la bibliographie l’édition de référence) ; Argail les défie en combat singulier, leur faisant miroiter que le vainqueur aura la main de sa sœur, il doit les réduire l’un après l’autre en esclavage. Mais le plan d’Argail échoue finalement : lui qui se croyait invicible, il est tué par le sarrasin Ferragus (I, 5) et Angélique doit s’enfuir en utilisant son anneau d’invisibilité. Dans la forêt, elle se désaltère sans le savoir à une fontaine (une source) magique qui la rend amoureuse de Renaud au moment même où Renaud se désaltère à la fontaine antagoniste, qui lui ôte tout amour pour Angélique (I, 9). Angélique fait enlever Renaud par le magicien Maugis (I, 16), mais celui-ci lui échappe. Revenue à Albraque au Cathay, Angélique se trouve assiégée par les troupes tartares de Sacripant (II, 6). Astolphe vient au secours d’Angélique, mais est fait prisonnier. Agrican et ses troupes circassiennes livrent alors bataille contre Sacripant (II, 7). Au moment où Agrican l’emporte, Angélique quitte secrètement Albraque pour le fleuve d’oubli où la magicienne Dragontine tient enfermés de valeureux guerriers (Elle a notamment fait boire la coupe d’oubli à Roland, I, 19). Par la vertu de son anneau magique, Angélique ramène les chevaliers à la raison, Roland en tête (III, 2). Les voici tous devant Albraque. La bataille générale est couronnée par le duel de Roland et d’Agrican, interrompu par la nuit, où la conversation des deux hommes fait naître une mutuelle amitié. Au matin, le combat reprend : Agrican mortellement blessé demande à Roland le baptême (III, 9). Après diverses péripéties, dont le désenchantement par Roland du jardin de Falerine (IV, 6-11), Angélique et Renaud se trouvent boire chacun à la fontaine de l’autre (VI, 4-5) : Renaud poursuit alors de son amour Angélique qui le hait. Roland rentré en France affronte Renaud. Le roi Charles les sépare et propose son arbitrage (VI, 6) : il donnera la main d’Angélique à celui des deux champions qui se sera le mieux battu contre les infidèles. La bataille décisive a lieu à Montauban.

De Boiardo à l’Arioste
    Malgré le foisonnement des récits parallèles, le principe fondamental de construction de cette épopée consiste à entrelacer les aventures de Roland et celles de Renaud, correspondant aux deux cycles français qui ont fusionné en passant en Italie. Angélique, qui est de l’invention de Boiardo, assure cette articulation. Lorsque l’Arioste reprend la matière du Roland amoureux, cette construction, cet équilibre se modifient. Angélique n’est plus le centre du récit, l’objet unique et commun de tous les désirs. Alors que Renaud passe au second plan, l’Arioste oppose cette fois deux couples impossibles : Roland poursuit Angélique qui ne l’aime pas et épousera finalement Médor, un simple soldat sarrasin, provoquant la folie du héros ; parallèlement Bradamante, la sœur de Renaud, poursuit Roger qui certes l’aime, mais est sans cesse détourné d’elle par son protecteur le magicien Atlant, à cause de la prophétie qui veut qu’une fois nés les enfants de Roger et de Bradamante, Roger soit destiné à périr sous les coups des Mayençais. Bradamante apparaissait déjà fugitivement chez Boiardo, où elle épousait Roger (VI, 13), avant d’être aussitôt séparée de lui au cours d’un combat (VI, 14).
    La base structurale est donc un quarré : Roland poursuit Angélique qui le fuit ; Bradamante poursuit Roger qui lui échappe. Il n’y a pas de cœur du récit.

4. Bibliographie
Ludovico ARIOSTO, Orlando furioso, A cura di Lanfranco Caretti, Presentazione di Italo Calvino, 2 volumes, Turin, Einaudi, 1966, 1992. Voir l’introduction de Lanfranco Caretti, pp. V-LX.
L’ARIOSTE, Roland furieux, édition bilingue, introduction, traduction et notes par André Rochon, 4 volumes, Les Belles Lettres, 1998-2002. Voir l’introduction d’André Rochon, pp. XI-LXXXIII.
ARIOSTE, Roland furieux, présenté et raconté par Italo Calvino, Einaudi, 1970, traduction des extraits de l’Arioste par C. Hippeau, traduction d’I. Calvino par Nino Frank, Flammarion (GF), 1982. Voir l’introduction pp. 5-30.
Alain-René LESAGE, Traduction de Roland l’amoureux de Boiardo, 1717, texte établi, présenté et annoté par Denise Alexandre-Gras, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2001

(http://www.univ-montp3.fr/~pictura/Arioste.php)